La donation entre époux établie en France produit-elle ses effets à l’étranger ?

Mis à jour le Vendredi 22 juin 2018

La donation entre époux est souvent conseillée par les notaires, notamment lors d'un achat immobilier en France. Or, dans l’ordre juridique international, cette institution est peu connue à l’étranger et parfois prohibée.

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Les législations étrangères connaissent-elles la donation entre époux ?

Dans l’ordre juridique international, la donation ente époux est la plupart du temps ignorée, voire interdite au même titre que les pactes successoraux : il convient d’être vigilant quant à son utilisation dans un contexte international.

Même s’il est difficile de lister avec précision les pays qui ne reconnaissent pas ces donations entre époux, on peut retenir que d’une manière générale, les pays de droit musulman ne l’admettent pas, ainsi que de nombreux Etats tels que l’Italie, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Equateur, le Honduras, le Paraguay, l’Uruguay, le Venezuela, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, le Liban, la Côte d’Ivoire, l’ex-Yougoslavie...

Quelle est la règle de conflits applicable à ce type de donation ?

Depuis l’entrée en application du règlement n°650/2012 sur les successions internationales, la donation entre époux entre dans la catégorie des pactes successoraux. L’article 3 (b) du règlement donne du pacte successoral la définition suivante : « un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels, qui confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d’une ou plusieurs personnes parties au pacte ».

Validité en la forme

S’agissant de la validité en la forme du pacte successoral, le règlement la soumet aux mêmes rattachements que les autres dispositions à cause de mort. Selon l’article 27 du règlement une disposition est valable quant à la forme si elle est conforme à la loi de l’Etat dans lequel la disposition a été prise ou le pacte a été conclu, ou à la loi nationale, du domicile, de la résidence habituelle du testateur ou d’une des personnes dont la succession est concernée par le pacte soit au moment de l’acte soit au moment du décès. Pour les immeubles, on peut encore choisir une forme admise par la loi de situation.

Validité au fond

S’agissant de de la validité au fond, le règlement distingue selon que le pacte concerne :

  • « la succession d’une personne : Le pacte qui concerne la succession d’une seule personne est soumis à la loi qui aurait été applicable à la succession de cette personne en cas de décès au jour où l’accord a été conclu ».
  • « plusieurs personnes : Le pacte qui concerne la succession de plusieurs personnes sera recevable que s’il l’est en vertu de chacune des lois qui, conformément au règlement, aurait régi la succession de chacune des personnes concernées si elles étaient décédées le jour où le pacte a été conclu ».

Exemple : Un couple franco-italien résidant en France souhaite faire établir une donation entre époux de biens à venir par devant un notaire français. Même si le droit italien prohibe la donation entre époux, elle sera recevable puisque étant soumise au droit français et s’appliquera tant sur les biens en France qu’en Italie.

Possibilité de désigner la loi applicable à la donation partage

Que le pacte concerne la succession d’une ou plusieurs personnes, l’article 25 al. 3 permet aux parties de soumettre leur accord à la loi qui aurait pu être choisie en vertu de l’article 22. Un pacte qui concerne la succession d’un français qui réside en Italie sera « recevable » et aura la validité et les effets que lui accorde le droit français.

Assurer la cohérence avec la loi successorale applicable

Valable sur la forme et sur le fond, la donation entre époux s’exécutera dans les limites de la loi successorale applicable (en principe la loi de la résidence habituelle du défunt au moment du décès). Afin d’éviter les contradictions qui pourraient apparaître s’il s’avérait que la loi applicable à la disposition à cause de mort et la loi successorale ne coïncidaient pas, il est largement conseillé de désigner également la loi applicable à la succession.

Exemple : Un couple de français ayant leur résidence habituelle à Milan décide de faire établir une donation entre époux de biens à venir, il devra non seulement désigner la loi française pour régir l’acte mais également pour l’intégralité de leur succession, afin de ne voir s’appliquer à aucun moment la loi italienne qui ne reconnaît pas cette institution. Une fois ces désignations faites au profit de la loi française, la donation entre époux devra s’appliquer en Italie sans difficulté.

Cet instrument de transmission patrimoniale est-il approprié au contexte international ?

En dehors des 25 États membres au sens du règlement n°650/2012 sur les successions internationales à savoir les 28 États de l’Union européenne à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande, la donation entre époux , inconnue dans la plupart des pays sera difficilement applicable même si par le jeu du renvoi avec les États tiers, il serait fait application de la loi française.

Exemple : Si deux époux français vivant à Beyrouth, souhaitent se consentir une donation entre époux de biens à venir, ils risquent de ne pouvoir l’appliquer. Même si au décès, en application du renvoi (art.34 du règlement), la loi française sera applicable à leur succession, en pratique ils ne parviendront pas à la faire publier s’ils possèdent des biens dans ce pays. En effet, l’article 513 du Code des obligations libanais déclare nulles les donations entre époux de biens à venir.

Vis-à-vis d’un bon nombre de pays dans lesquels vous pourriez posséder des biens et afin d’assurer votre sécurité juridique, il vous sera conseillé de prendre des dispositions en rédigeant un testament (voir fiche : établir un testament à l’étranger) plutôt que de recourir à cet outil.