Divorcer dans un contexte international

Mis à jour le Lundi 22 mai 2023

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Vous êtes marié avec une personne d’une nationalité différente de la vôtre ou vous résidez dans un pays dont vous n’avez pas la nationalité, et vous souhaitez divorcer : entre les droits nationaux, le droit communautaire européen, les conventions bilatérales ou internationales, il n’est pas aisé de s’y retrouver.

Il est erroné de penser qu’étant Français, le juge français saisi du divorce sera forcément compétent et appliquera nécessairement le droit français. À l’inverse, le tribunal français pourra tout à fait décliner sa compétence ou prononcer un divorce en application du droit marocain, chinois ou australien.
Dans un contexte international se posent deux questions : celle de la juridiction compétente que celle de la loi applicable au divorce. Ce sont les règles de droit international privé qui permettent d’y répondre. 

Quel tribunal peut-on saisir pour divorcer dans un contexte international ?

  • La compétence du tribunal dans l’Union européenne

Quels sont les textes qui déterminent le tribunal compétent ? 
Au sein de l’Union européenne, la compétence des tribunaux est déterminée par le règlement européen Bruxelles II bis applicable jusqu’au 31 juillet 2022 et le règlement Bruxelles II ter à compter du 1er août 2022. 
Ces règlements lient l’ensemble des États membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark. 

Quel est le champ d’application des règlements ? 

Ces textes règlent les conflits de juridiction en matière matrimoniale, et plus précisément déterminent les règles de compétence en matière de divorce, de séparation de corps et d’annulation du mariage.

En revanche sont exclus les litiges relatifs aux obligations alimentaires (par exemple le devoir de secours), à la prestation compensatoire et aux effets patrimoniaux du mariage, notamment à la liquidation du régime matrimonial. 

De même le divorce sans juge est exclu du champ d’application des Règlements qui ne concernent que les divorces prononcés par une juridiction étatique. Les notaires ont vocation à recevoir tout acte émanant de parties françaises ou étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger, dès lors que le droit français est applicable à leur divorce (Circ. Justice, JUSC1638274C du 26 janvier 2017, fiche 6). Cela entraîne certaine difficultés notamment en cas de litige, puisque des tribunaux saisis ne seront pas forcément compétents, en application du règlement.

 
Quelles sont les règles de compétence prévues par ces règlements ? 
Les règlements Bruxelles II bis et II ter retiennent deux chefs de compétence : la résidence habituelle et la nationalité, entre lesquels le demandeur peut opter.

  • S’agissant de la résidence habituelle, sont compétentes les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve, selon l’article 3-1-a, :
    • « la résidence habituelle des époux, 
    • ou la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, 
    • ou la résidence habituelle du défendeur, 
    • ou, en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, 
    • ou la résidence habituelle du demandeur, s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande,
    • ou la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est ressortissant de l’État membre en question ».

Bon à savoir : la jurisprudence européenne considère qu’un époux, même s’il partage sa vie entre deux Etats, ne peut avoir qu’une seule résidence habituelle. Cette dernière est caractérisée par deux éléments : la volonté de la personne intéressée de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et une présence suffisamment stable sur le territoire de l’Etat membre concerné (CJUE, 25 nov. 2021, aff C289/20, IB). 

  • S’agissant de la nationalité, l’article 3-1-b précise qu’il est possible de soumettre le litige matrimonial aux juridictions de l’État de la nationalité commune des deux époux ou, dans la cas du Royaume -Uni ou de l’Irlande du domicile commun.  

En dehors de l’Union européenne

Lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente, en vertu des articles 3, 4 et 5 du règlement, la compétence est déterminée par le droit commun de chaque État (art. 7 du règlement), donc pour la France, par les règles de compétence du Code de procédure civile (CPC, art. 1070 et s.). À défaut, la compétence sera fondée sur les articles 14 et 15 du Code civil, quand l’un des conjoints est français. Les articles 14 et 15 pourront être invoqués par un ressortissant d’un État membre qui a sa résidence en France (art. 7-2 du règlement)

En France, l’article 1070 du Code de procédure civile est applicable pour déterminer la compétence territoriale interne en matière de divorce. Cette disposition prévoit trois catégories de compétence hiérarchisées :

  • La résidence de la famille,
  • à défaut, la résidence de l’époux qui a la charge des enfants mineurs,
  • à défaut, la résidence de l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce.

Par ailleurs, en application du privilège de juridiction prévu à l’article 14 du Code civil, il est également en principe possible pour tout Français (ou tout national d’un pays membre résidant en France, Cass. 1ère civ., 25 sept. 2013, n°12-16900) de traduire son conjoint (même étranger, même résidant en France) devant la justice française, 

Quelle est la loi applicable au divorce dans un contexte international ?

Une fois la compétence du tribunal déterminée, le juge va devoir déterminer la loi applicable au divorce qui ne sera pas forcément celle de son Etat. 

•    Quel texte détermine la loi applicable au divorce international ? 

Le règlement européen n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 (dit Rome III) est entré en vigueur le 21 juin 2012 et s’applique donc aux procédures de divorce ou de séparation de corps présentant un conflit de loi et engagées depuis cette date.

D’un point de vue géographique, le règlement n’est applicable que dans les États membres participant à la coopération renforcée, soit dix-sept États (la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie). 
Le règlement concerne tous les couples internationaux, quelle que soit leur résidence, ressortissants des  États membres participants, des autres États de l’UE ou d’un État tiers.

Le règlement Rome III a remplacé l’article 309 du Code civil. Il permet, si les époux sont d’accord, de choisir la loi applicable à leur divorce ou à leur séparation de corps. À défaut de choix par les parties, le règlement détermine la loi applicable.

  • Champ d’application du Règlement Rome III

Le règlement s’applique au principe du divorce ou de la séparation de corps, à ses causes et à la date de dissolution du mariage. 

En revanche, les conflits de loi concernant l’annulation du mariage, la validité du mariage, le nom des époux, la procédure de divorce, les obligations alimentaires, les effets patrimoniaux du divorce sont exclus du champ d’application du règlement et les conflits de lois relatifs à ces questions devront être réglés par les droits nationaux ou par des conventions.

Par ailleurs, le règlement Rome III ne s’applique qu’au divorce judiciaire. Le divorce sans juge sera donc soumis aux règles françaises de conflit de loi (309 .C civ.) 

  • Possibilité d’un choix de loi par les époux 

Quelle loi peuvent choisir les époux? 
 Selon l’article 5, les lois susceptibles d’être choisies par les époux sont les suivantes :
la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; 

  • ou la loi de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; 
  • ou la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ; 
  • ou la loi du for (de l’État où se trouve le tribunal saisi).

Ces critères s’apprécient au jour de la conclusion de la convention de choix de loi. 
Cette loi peut être la loi d’un État membre participant, la loi d’un État membre non participant ou la loi d’un État non membre de l’Union européenne en raison du caractère universel du règlement.
 

Indépendamment du tribunal saisi dans l’un des États membres participants, il sera appliqué la loi désignée d’un accord commun (sauf si la loi désignée est manifestement incompatible avec l’ordre public de cet État).

Limites
La validité de cette convention ne sera assurée que si l’un des Etats membres participants est compétent en application du Règlement Bruxelles II bis ou ter, sauf si cet Etat oppose son ordre public (par exemple prohibition du mariage homosexuel). 
Si la juridiction saisie n’est pas celle d’un État membre participant au moment de l’instance en divorce ou en séparation de corps, cette convention a peu de chance d’être reconnue.
Il faudra vérifier si les règles de droit international privé en vigueur dans cet État ainsi que son ordre public sont compatibles avec la loi désignée.

Les exigences de forme de la convention de choix de loi 

La convention doit être formulée par écrit, datée et signée par les deux époux. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.
Des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention peuvent être prévues par la loi d’un État membre participant et ceci conduit aux distinctions suivantes (art. 7) :

  • Si la loi de l’État membre participant dans lequel les deux époux ont leur résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention prévoit des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention, ces règles s’appliquent.
  • Si, au moment de la conclusion de la convention, les époux ont leur résidence habituelle dans des États membres participants différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes, la convention est valable quant à la forme si elle satisfait aux conditions fixées par la loi de l’un de ces pays.
  • Si, au moment de la conclusion de la convention, seul l’un des époux a sa résidence habituelle dans un État membre participant et si cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour ce type de convention, ces règles s’appliquent.
     

À titre d’exemple, des règles formelles supplémentaires peuvent exister dans un État membre participant lorsque la convention est insérée dans un contrat de mariage. Ce pourrait être également l’exigence d’un acte authentique, d’une consignation devant un greffier, ou encore, l’inscription de la convention dans un registre spécial... 

  • La loi applicable à défaut de choix par les parties

À défaut de choix de loi applicable par les époux, le règlement a instauré des règles de conflit de lois instaurant une échelle de critères de rattachements successifs reposant sur l’existence d’un lien étroit entre les époux et la loi concernée où la résidence habituelle figure en première place. 

L’article 8 du règlement dispose que :

« À défaut de choix conformément à l’article 5, le divorce et la séparation de corps sont soumis à la loi de l’État :

  • de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut,
  • de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  • de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut,
  • dont la juridiction est saisie. »

Selon l’article 10, la loi de la juridiction saisie s’appliquera « lorsque la loi applicable selon les articles 5 ou 8 ne prévoit pas le divorce ou lorsqu’elle n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce ou à la séparation de corps ». 
Cette règle est destinée à éviter les discriminations.

Les effets en France des jugements de divorce prononcés à l’étranger

  • Jugement émanant d’un Etat membre de l’Union européenne

Reconnaissance : selon l’article 30 du Règlement Bruxelles II ter ( anciennement 21 du règlement Bruxelles II bis), les décisions étrangères de divorce rendues dans un État membre sont reconnues de plein droit dans les autres États membres où elles sont invoquées. 

Toutefois le règlement prévoit une liste limitative de motifs de non-reconnaissance, notamment si la décision est manifestement contraire à l’ordre public (art. 22 Bruxelles II bis et 38 Bruxelles II ter).

Autrement dit, les jugements de divorce rendus dans l’un des États membres, sous réserve de leur régularité, produisent en France, sans exequatur, les effets suivants :

  • Ils permettent aux époux ainsi divorcés de se remarier en  France ;
  • Ils entraînent la dissolution de la communauté pour les époux mariés sous un régime communautaire et permettent de demander en France la liquidation du régime matrimonial.

Si la liquidation est faite à l’amiable, l’exequatur ne sera pas nécessaire, si elle est contentieuse elle ne pourra se faire qu’après exequatur. 

Mention du jugement en marge des actes de l’état civil : aucune procédure n’est requise pour la mise à jour des registres de l’état civil d’un Etat membre sur la base d’une décision rendue dans un autre Etat membre (art. 30, 2 de Bruxelles II ter et 21-1 de Bruxelles II bis)

Exécution forcée : les effets du divorce ou de la séparation de corps ne sont pas régis par les règlements mais par le droit commun. Il sera donc nécessaire d’obtenir une exequatur pour procéder à l’exécution forcée. 

En revanche, en ce qui concerne la prestation compensatoire l’exécution forcée se fera conformément au règlement aliments n°4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires

En ce qui concerne le divorce sans juge, le règlement Bruxelles II ter prévoit désormais une reconnaissance de plein droit dans les autres Etat membres des actes authentiques et des « accord » relatifs à la séparation de corps et au divorce enregistrés dans un État membre dont les juridictions sont compétentes (art. 64 et 65).

Néanmoins la reconnaissance pourra être contestée.  

A la demande d’une partie, il est prévu qu’un certificat émanant de l’autorité d’origine soit délivré, sous certaines conditions, afin que l’accord soit reconnu et exécuté (art. 66 Bruxelles II ter et annexe VIII). Le décret n°2023-25 du 23 janvier 2023 a désigné le président du tribunal judiciaire comme seule autorité compétente pour établir ces certificats.   

  • Jugements émanant d’un Etat tiers

Le droit international privé français, droit commun, s’applique. 

Les effets extrapatrimoniaux, relatifs à l’état des personnes, seront en principe reconnus de plein droit (Jurisprudence de la Cour de cassation, Beckley, 28 février 1860) 
Les effets patrimoniaux devront recevoir l’exequatur tant pour la reconnaissance que pour l’exécution forcée.

http://www.lexinter.net/JPTXT2/divorce_a_l'etranger.htm

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