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L’adoption est un lien de filiation créé par jugement. Il existe deux types d’adoption en France, l’adoption simple et l’adoption plénière.
Conditions de l’adoption simple
A la différence de l’adoption plénière qui supprime tout lien juridique avec la famille d’origine, l’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation par le sang (C. civ., art. 360). L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ; il est donc lié aux deux familles.
L’adoption internationale (qui peut être simple ou plénière), obéit à des règles particulières et ne sera donc pas envisagée ici.
Réforme de 2022 : La loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption a apporté des modifications importantes aux articles du Code civil et du Code de l’action sociale et des familles (CASF) régissant les deux types d’adoption ainsi que le statut des pupilles. Cette réforme est entrée en vigueur le 23 février 2022. Elle a été complétée par une ordonnance du 5 octobre 2022 qui a procédé à une réorganisation formelle des articles du Code civil. Ses nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2023.
Quel régime d'adoption pour quelle situation ?
Emission "Club du Droit" du 7 juillet 2020
Quelles sont les conditions relatives à l’adoptant ?
Recours à l’adoption simple par un couple.
L’adoption conjointe, et que les membres du couple soient de même sexe ou de sexes différents est ouverte (C. civ., art. 343) :
- aux couples mariés non séparés de corps et,
- depuis le 23 février 2022:
- aux couples liés par un pacte civil de solidarité et
- aux concubins.
Les adoptants doivent :
- être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins un an, ou bien
- être âgés l’un et l’autre de plus de 26 ans (avant la réforme, les époux devaient justifier de deux ans de mariage ou être âgés de 28 ans).
L’adoption par une personne seule
L’adoption individuelle est ouverte à toute personne (homme ou femme) âgée de plus de 26 ans (28 ans avant la réforme). Toutefois, si cette personne est mariée ou pacsée elle doit recueillir l’accord de son conjoint (C. civ., art. 343-1) ;
Par exception en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire pacsé ou du concubin, la condition d’âge de l’adoptant n’est pas exigée (C. civ., art. 370-1).
Quelles sont les conditions relatives à l’adopté ?
Âge de l’adopté : mineur ou majeur
Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté, il peut donc être mineur ou majeur (C.civ., art. 345-1).
Situation de l’adopté
Les personnes pouvant faire l’objet d’une adoption simple sont (C. civ., art. 344) :
• Les enfants mineurs dont les parents (ou le conseil de famille) ont valablement consenti à l’adoption ;
• Les pupilles de l’État (enfants sans filiation connue ou établie, orphelins sans famille, abandonnés, enfants remis à l’ASE par les parents ou après retrait total de l’autorité parentale) pour lesquels le conseil de famille des pupilles de l’Etat a consenti à l’adoption.
• Les enfants ayant été judiciairement déclarés délaissés (abandonnés).
• Les majeurs.
Enfants ayant déjà faits l’objet d’une adoption
De plus s’il est justifié de motifs graves, l’adoption simple d’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière est possible (C. civ., art. 345-2, al. 2).
Enfin, un enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l'être une seconde fois, par le conjoint, partenaire lié par un pacs ou concubin de cette dernière en la forme simple (C. civ., art. 345-2, al. 1). Il n’est pas nécessaire de justifier de motifs graves.
Le consentement à adoption
Qui doit donner son consentement ?
Le consentement du ou des parents ou du conseil de famille :
- le ou les parents à l’égard duquel ou desquels la filiation de l’enfant mineur est établie (C. civ., art. 348 et 348-1).
- Un seul des parents dès lors que l’autre est décédé, dans l'impossibilité de manifester sa volonté, ou s'il a perdu ses droits d'autorité parentale (C. civ., art. 342, al. 2).
- Le conseil de famille après avis de la personne qui prend soin de l’enfant, lorsque les pères et mères de l’enfants sont décédés ou dans l’impossibilité de donner leur consentement ou ont perdu l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation n’est pas établie (C. civ., art. 348-2).
Bon à savoir : Si le refus de consentement est jugé comme étant abusif (parents s’étant désintéressés de l’enfant au risque de compromettre sa santé par exemple), le tribunal peut prononcer l’adoption (C. civ., art. 348-7).
Consentement de l’adopté
S’il a plus de treize ans, l’enfant doit consentir personnellement à son adoption simple (C.civ., art 349).
Depuis 2022, lorsque l’enfant de plus de treize ans (ou le majeur protégé) est hors d’état de donner son consentement, le tribunal peut malgré tout prononcer l’adoption si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté (C. civ., art. 350).
Validité du consentement
Le consentement à l'adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption (C. civ., art. 348-3).
Bon à savoir : pour l’adoption des enfants de moins de deux ans, le consentement ne sera valable que si l’enfant a été préalablement remis au service de l'aide sociale à l'enfance. Sauf lorsqu'il existe un lien de parenté avec l'adoptant ou lorsqu'il s'agit du conjoint, partenaire, concubin de l'un des parents (C.civ., art. 348-4).
Modalités du consentement
Le consentement doit être donné devant un notaire français ou étranger, ou un agent consulaire, ou le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) lorsque l’enfant lui a été remis (C. civ., art. 348-3).
Le consentement des adoptants peut être rétracté pendant deux mois.
Au-delà, les parents peuvent encore demander la restitution de l'enfant à condition que celui-ci n'ait pas été placé en vue de l'adoption. Si la personne qui a recueilli l’enfant refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui appréciera selon l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu à restitution (C. civ., art. 348-5).
Le consentement de l’adopté de plus de treize ans peut être rétracté jusqu’au prononcé de l’adoption (C. civ., art. 349).
Quelle est la procédure pour une adoption simple?
Le placement de l’enfant (C. civ., art. 351)
Le placement consiste en la remise effective et officielle de l’enfant pour lequel le consentement à adoption a été donné.
La réforme de 2022 a étendu la procédure de placement de l’enfant à l’adoption simple pour les pupilles de l’Etat et les enfants judiciairement déclarés délaissés.
La demande d’agrément
Le ou les adoptant doivent obtenir un agrément lorsque l’adopté est pupille de l’Etat ou un enfant étranger qui n’est pas l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin (C. civ., art. 353).
Cet agrément est délivré par le président du Conseil départemental -l’ASE- et a pour finalité l'intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l'adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs” (CASF, art. L 225-2 al. 2 ).
Autre nouveauté, “L'agrément prévoit une différence d'âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu'ils se proposent d'adopter. Toutefois, s'il y a de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle […]” (CASF, art. L 225-2 al.3).
Enfin la loi du 22 février 2022 met en place une préparation des candidats à l’agrément aux enjeux de l’adoption et des besoins de l’enfant adoptable (CASF, art. L. 225-3).
Après la demande d’agrément et sa confirmation, le dossier est instruit dans les 9 mois. Le projet d’adoption fait l'objet d’une évaluation sociale et psychologique. L’agrément est délivré pour 5 ans (CASF, art. L 225-2 al.4) . Tout refus d’agrément doit être motivé.
La requête en adoption (C. civ., art 353-1)
L’adoptant forme une requête aux fins d’adoption auprès du tribunal judiciaire.
Bon à savoir : le recours à un avocat est obligatoire lorsque l’enfant a été recueilli après ses 15 ans (CPC art. 1168).
Le tribunal doit se prononcer dans un délai de 6 mois, et vérifier si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Il peut faire procéder à une enquête ou commettre un médecin afin d’obtenir les informations nécessaires à la prise de décision.
L’adoption est prononcée par jugement.
L’adoption simple fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de l’enfant adopté, sans le remplacer (C. civ., art. 354).
Quels sont les effets d'une adoption simple ?
Double filiation
Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple ne rompt pas les liens entre l’adopté et sa famille d’origine, donc les droits et obligations envers celle-ci (obligation alimentaire subsidiaire, droit à la succession, etc.). Une fois qu’elle est prononcée, les deux liens de filiation coexistent : l'adopté a deux familles.
Autorité parentale
L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté (C. civ., art. 362).
Si l’enfant adopté est l’enfant du conjoint, partenaire pacsé ou concubin de l’adoptant, l’autorité parentale est exercée en commun sous réserve qu’une déclaration conjointe soit déposée au greffe du tribunal judiciaire. Dans le cas contraire, seul le conjoint de l’adoptant exerce l’autorité parentale (C. civ., art. 370-1-8).
Obligation alimentaire
L’adoption simple fait naître une obligation alimentaire réciproque entre adoptant et adopté. Les parents biologiques restent tenus d’une obligation alimentaire à l’égard de leur enfant s’il ne peut les obtenir de son parent adoptant. L'obligation de fournir des aliments à ses parents d'origine cesse pour l'adopté dès lors qu'il a été admis en qualité de pupille de l'Etat (C. civ., art. 364).
Nom de famille et prénom de l’adopté (C. civ., art. 363 et 370-1-7)
En principe l'adopté conserve son nom d'origine auquel est ajouté le nom de l'adoptant. Si l'adopté a plus de treize ans (18 ans avant la réforme de 2022), cette adjonction suppose son consentement.
Toutefois, le tribunal peut, à la demande de l'adoptant décider que :
- l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant (avec le consentement de l'adopté s'il a plus de 13 ans).
- l’adopté conservera son seul nom de famille en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin.
Enfin, le tribunal peut également, à la demande du ou des adoptants, modifier le prénom de l'enfant. Depuis la loi du 21 février 2022, si l’adopté a plus de treize ans, son consentement est requis.
Adoption simple et droit des successions
Qualité d’héritier
L'adopté a vocation à hériter dans ses deux familles. D’une part, il conserve ses droits successoraux dans sa famille d’origine. D’autre part, il acquiert la qualité d’héritier réservataire à l’égard des parents adoptifs. Toutefois l'adopté et ses descendants n'ont pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des grands-parents adoptifs, qui peuvent donc le déshériter (C. civ., art. 365 ).
Fiscalité
En ce qui concerne les droits de succession, en principe il n’est pas tenu compte du lien créé par l’adoption simple pour le calcul des droits de succession. L’impôt est déterminé en fonction du lien de parenté éventuel de l’enfant avec son adoptant. A défaut, l’adopté sera imposé à 60%, comme toute personne non parente.
Cependant, par exception l’adopté bénéficie des mêmes droits de succession que les enfants biologiques de l’adoptant dans certains cas énoncés à l’article 786 du Code général des impôts et notamment :
- enfant issu d’un premier lit du conjoint de l’adoptant,
- adoptés mineurs au moment du décès de l'adoptant,
- adoptés majeurs qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale
L’adoption simple est-elle révocable ?
Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple peut faire l’objet d’une révocation pour motifs graves (C. civ., art. 368). C’est au tribunal judiciaire d’apprécier souverainement la gravité des motifs invoqués par le demandeur à la révocation (alcoolisme grave, violence... Une simple mésentente ou un éloignement ne constituent pas un motif suffisamment grave).
Si l’adopté est majeur, la révocation peut être demandée par ce dernier ou par l’adoptant. S’il est mineur, seul le ministère public peut former une telle demande.
La révocation prend effet à la date de la demande et fait cesser pour l’avenir tous les effets de l’adoption, à l’exception de la modification des prénoms (C. civ., art 369-1).
Le jugement de révocation est mentionné en marge de l’acte de naissance (C.civ., art. 369)
Adopter l'enfant de son conjoint
Maître Matthieu Fontaine répond à Estelle Denis dans RMC Story :