Conclure un mandat de protection future à l’étranger

Mis à jour le Lundi 20 septembre 2021

La perspective de perdre la capacité de décider soi-même n’est réjouissante pour personne. Pourtant, nul n’est à l’abri d’un accident grave ou d’une maladie pouvant le priver de l’usage de ses facultés intellectuelles. En prévision d’une inaptitude qui risque de se produire, vous pouvez dès aujourd’hui choisir vous-même la personne qui prendra soin de votre personne et de vos biens.

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Guide juridique des Français de l'étranger

Version mise à jour en juillet 2021

Quel est l'intérêt du mandat de protection future ?

Le mandat de protection future permet à une personne (mandant) de désigner à l’avance la ou les personnes (mandataires) qu’elle souhaite voir être chargées de veiller sur sa personne et/ou sur tout ou partie de son patrimoine, pour le jour où elle ne serait plus en état, physique ou mental, de le faire seule.

Le mandat peut être établi :

  • pour soi-même, par la personne à protéger,
  • pour autrui, par les parents souhaitant organiser à l’avance la défense des intérêts de leur enfant.

Ce type de mandat existe-t-il à l'étranger ?

Le législateur français a autorisé récemment (par la loi n°2007/308 du 5 mars 2007) la conclusion d’un mandat de protection future, mais n’a pas pris en compte l’éventualité des déplacements géographiques des individus se trouvant dans un état de faiblesse physique ou mentale. Il est des pays où ce type de mandat permettant d’organiser à l’avance sa protection ou celle de son enfant souffrant d’un handicap existe depuis de nombreuses années. Cette faculté est en effet admise en Australie, aux États-Unis, en Grande Bretagne, au Canada dans les provinces de Québec, de l’Ontario et de Colombie Britannique, en Allemagne, en Espagne, en Belgique, en Italie et au Danemark. La Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, entrée en vigueur en France le 1er janvier 2009, apporte des solutions.

Selon l’article 15 de la Convention, le mandat d’inaptitude vise « les pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord, soit par un acte unilatéral, pour être exercés lorsque cet adulte sera hors d’état de pourvoir à ses intérêts ». Alors que le mandat ordinaire produit immédiatement ses effets, le mandat d’inaptitude, de protection future ou encore power of attorney (selon les législations) ne prend effet qu’à partir du moment où l’incapacité est constatée. À ce titre, un bon nombre de législations ne donnent d’effet au mandat qu’une fois l’inaptitude constatée par une autorité judiciaire ou une expertise médicale. Il en est ainsi en France ( article 481 du Code civil ) mais aussi en Grande Bretagne, au Québec ou dans l’État de New York.

Quelle est la loi applicable à la conclusion d'un tel mandat ?

Le mandat est en principe régi par la loi de la résidence habituelle.

Selon l’article 15 de la Convention « le mandat est régi par la loi de l’État de la résidence habituelle de l’adulte au moment de l’accord ou de l’acte unilatéral ». Autrement dit, si un Français vivant à Milan désigne un administrateur de soutien en prévision de son incapacité future, tel que la loi italienne n° 6 du 9 janvier 2004 le prévoit (l’acte de désignation doit être rédigé par un notaire ou signé devant un notaire), ce mandat restera valable et applicable s’il s’établit ultérieurement en France.

Dans la mesure où certains droits étrangers ignorent la possibilité d’établir de tels mandats, il est laissé à la personne une faculté de choix de la loi applicable au mandat, à la seule condition que sa désignation soit faite par écrit.

Pourra être choisie « la loi de l’État dont l’adulte possède la nationalité, la loi d’une résidence habituelle précédente, la loi de l’État dans lequel sont situés les biens de l’adulte pour ce qui concerne ces biens » (paragraphe 2 de l’article 15). Ce choix exprès d’une loi autre que celle de l’État de résidence habituelle peut s’avérer commode lorsque le patrimoine de la personne est dispersé dans plusieurs États.

Le mandat de protection future conclu à l'étranger sera-t-il reconnu en France ?

La reconnaissance des effets en territoire français d’un mandat analogue à celui qui aurait pu être conclu sous l’empire de la loi française par une personne de nationalité étrangère ou par un Français domicilié à l’étranger sera admise sans difficultés comme le montre cet exemple.

Madame Taylor, de nationalité britannique, domiciliée en Angleterre, souhaite vendre la résidence secondaire qu’elle possède en Bretagne. Elle a consenti le 5 août 2001 un enduring power of attorney selon « the enduring power of attorney Act 1985 », le mandataire désigné étant Monsieur Johnson avec pouvoir général d’agir. Il est précisé que « ce pouvoir continue même si je deviens mentalement incapable ». Il est également indiqué que le mandataire devra demander l’enregistrement de ce document auprès du juge des tutelles conformément à la loi sur les pouvoirs permanents (enduring power of attorney Act 1985) lorsque le mandant devient ou est devenu mentalement incapable. Dans la mesure où il a été valablement dressé selon la loi anglaise, ce mandat d’inaptitude sera reconnu en France sans difficultés. Il conviendra toutefois de s’assurer que l’incapacité a été médicalement constatée et que l’enregistrement du document a été fait auprès du juge des tutelles lorsque le mandant est devenu incapable. Dans ce cas, le pouvoir pourra être mis à exécution en France et M. Johnson, le mandataire, pourra représenter Mme Taylor dans l’acte de vente du bien immobilier en France.

Le mandat de protection future conclu à l’étranger connaît-il des limites ?

Fixant une limite à la loi applicable au mandat, la Convention prévoit que « les modalités d’exécution des pouvoirs de représentation sont soumises à la loi de l’État où ils sont exercés » (article 15, alinéa 3).

Le recours à l’ordre public français au sens du droit international privé devrait limiter la portée de certains mandats qui conféreraient des pouvoirs exorbitants au mandataire, notamment pour des traitements médicaux. Les dispositions du mandat d’inaptitude qui concerneraient par exemple l’acharnement thérapeutique relèvent des principes de déontologie médicale, qui ont le caractère d’ordre public.

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