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Qu'est-ce qu'un mandat de protection future ?
Le mandat de protection future est un contrat par lequel une personne organise à l’avance sa propre protection ou celle d’autrui, pour le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés physiques ou mentales.
Avec l’allongement de la durée de la vie pouvant impliquer une perte des facultés personnelles et la mobilité croissante internationale, notamment au moment de la retraite, la rédaction ou l’exécution à l’étranger d’un mandat de protection future peut s’avérer nécessaire. Se posent alors diverses questions : le mandat sera-t-il reconnu ? Quelle sera la loi applicable au contrat ? En cas de nécessité, quel juge sera compétent ? Le mandat pourra-t-il être exécuté à l’international ?
Les réponses sont apportées par les conventions internationales et à défaut par le droit international privé de chaque pays. La France est signataire de la Convention de la Haye du 1” janvier 2000, sur la protection internationale des adultes.
Lire notre article sur le mandat de protection future en droit français.
Établir un mandat de protection future à l’étranger : quelles difficultés ?
De nombreux pays dans le monde disposent d’une institution se rapprochant du mandat de protection future français : il en est ainsi par exemple du “Springing power of attorney” dans plusieurs Etats des Etats-Unis, de la “Betreuung” allemande, de l'administration de soutien en Italie, ou du mandat d’inaptitude en Suisse.
D’autres pays à l’inverse, n’offrent aucun équivalent permettant d’anticiper sa propre protection.
La diversité des systèmes nationaux génère de nombreuses difficultés concernant la rédaction du mandat, la loi qui va lui être appliquée, la reconnaissance dans les autres pays et l’exécution. Les solutions diffèrent selon que le mandat aura été conclu ou exécuté dans des pays signataires de la convention de la Haye ou non.
Le mandat de protection future établi ou exécuté dans les Pays parties à la Convention de La Haye du 13 janvier 2000
L‘objectif de la convention
La convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes est entrée en vigueur en France le 1er janvier 2009. Toutefois, les mandats d’inaptitude conclus ou établis avant l'entrée en vigueur de la convention de La Haye sont également régis par la convention (article 50, 3 de la Convention).
Cette convention s’applique aux situations présentant une dimension internationale et notamment aux majeurs ayant leur résidence habituelle dans l’un des Etats membres et ce, quelles que soient leur nationalité ou possédant des bien dans un Etat contractant.
Elle établit des règles pour déterminer l'Etat compétent pour prononcer des mesures de protection de majeurs vulnérables (tutelle, curatelle...), la loi applicable à ces mesures de protection et pour assurer la reconnaissance et l’exécution des mesures. Les articles15 et 16 concernent les “mandats d’inaptitude”, nouvel instrument international, englobant les mandats de protection future français.
Les Etats signataires sont au nombre de 16 (au 29 aout 2024) et sont : l’Irlande, Malte, la Grèce, la Belgique, Chypre, le Portugal, la Lettonie, Monaco, l’Autriche, la République Tchèque, l’Estonie, la Finlande, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume uni. Pour consulter la liste des Etats partie à la convention, c’est ici.
La désignation de la loi applicable par la convention
Loi applicable à l’existence, l’étendue la modification et l’extinction du mandat
En principe, l’existence du mandat, son étendue, la modification et l’extinction des pouvoirs de représentations donnés par le mandat sont régis par la loi de la résidence habituelle de l’adulte au moment de sa conclusion (art. 15 de la Convention de La Haye).
Choix de loi par le mandant
Toutefois, le mandant peut choisir d’appliquer une autre loi, sous réserve que ce choix soit fait expressément par écrit. Il peut opter pour :
- La loi de l’Etat dont la personne a la nationalité,
- La loi d’une ancienne résidence habituelle,
- La loi du pays où il possède des biens, pour régir ces biens spécifiquement.
Plusieurs lois peuvent être choisies. Ce choix permet d’adapter le mandat à une situation patrimoniale internationale, notamment en cas de biens situés dans plusieurs pays.
Bon à savoir : La loi désignée peut être celle d’un Etat signataire ou pas, la convention ayant une vocation universelle. Mais des difficultés pourront apparaître si la loi désignée est celle d’un Etat non-partie à la convention et ne prévoyant pas de mandat d’inaptitude. Il faudra alors consulter le droit international privé de l’Etat.
Loi applicable aux modalités d’exercice du mandat
Les modalités d’exercice du mandat sont quant à elles régies par la loi de l’Etat où il est exercé. Il en sera ainsi notamment des autorisations nécessaires à l’accomplissement d’un acte : alors qu’en droit français le mandataire doit être autorisé par le juge pour vendre un immeuble, si le mandat est exécuté dans un pays ne prévoyant pas cette autorisation, elle ne sera pas exigée.
Bon à savoir : les dispositions d’ordre public du pays d’exécution pourront de toute façon faire obstacle à l’exécution de mesure prévues au mandat mais interdites sur le territoire d’exécution.
Reconnaissance du mandat entre pays signataires
Un mandat régulièrement établi et publié dans un pays signataire de la convention de la Haye est en principe reconnu en France ou dans un autre Etat signataire (article 22-1 de la convention). Toute personne peut requérir les juridictions d’un Etat pour la reconnaissance d’un mandat conclu et reconnu dans un autre Etat contractant.
La convention prévoit la possibilité de faire établir un certificat international indiquant la qualité du mandataire et ses pouvoir et ayant force de preuve dans tous les Etats contractants (article 38 de la convention). En France, le certificat peut être établi par le directeur du greffe de la juridiction qui a visé le mandat de protection future (Décret n°2019-756 du 22 juillet 2019, art. 4).
Retrait ou modification des pouvoirs
L’article 16 de la convention prévoit la possibilité de modifier ou retirer les pouvoir du mandataire lorsqu’ils ne sont pas exercés de manière à assurer suffisamment la protection du majeur vulnérable. L’autorité compétente est désignée par la convention.
Compétence des tribunaux
L’article 5 de la convention donne compétence aux autorités administratives et judiciaires de l’Etat de résidence du majeur protégé. Cependant les autorités de cet Etat pourront transférer la compétence aux autorités d'un autre Etat membre : notamment à l’Etat dont le majeur a la nationalité ou de l’Etat où se situent ses biens (articles 7 et 8 de la convention).
Le mandat de protection future établi ou mis en œuvre dans un pays n’ayant pas signé la Convention de La Haye du 13 janvier 2000
En l’absence de convention bilatérale ou multilatérale, c’est le droit international privé de chaque Etat qui permet de désigner la loi nationale applicable, le tribunal compétent, les modalités de reconnaissance et d’exécution d’un acte ayant une dimension internationale.
Le risque est qu’un mandat rédigé en France mais mis en œuvre dans un pays non-partie ou même ne connaissant pas ce type d’institution aura beaucoup de mal à être reconnu et exécuté.
Les règles de droit international privé françaises continuent de s’appliquer aux majeurs vulnérables français ayant leur résidence dans un pays non-partie à la convention de la Haye.
Compétence des tribunaux
La compétence des tribunaux français peut être établie :
- pour les Français résidant à l’étranger (dans un pays non contractant à la convention de la Haye) en application des articles 14 et 15 du Code civil, (ce privilège de juridiction permet à tout Français quelle que soit son lieu de résidence, de saisir les tribunaux français qui appliqueront la loi française).
- dès lors que le tuteur a son domicile en France (CPC, art. 1211).
Bon à savoir : En application des articles 443 et 485 du Code civil, le juge peut mettre fin au mandat lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure.
La loi applicable
En France, et à défaut de toute convention, l’article 3, alinéa 3 du Code civil dispose que « Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger». Les questions de capacité sont donc en principe régies par la loi nationale de la personne protégée.
Cependant ce principe peut être assoupli dès lors que le pays d’origine présente des règles équivalentes.
Guide juridique des Français de l'étranger